Homélie pour la messe marquant le début du ministère de Jean Paul Ier
Venerables freres et chers fils,
Dans cette sainte célébration, qui marque solennellement le cornmencement du ministère de pasteur supréme de l’Eglise qui a été placé sur nos épaules, nous nous tournons d’abord dans l’adoration et la prière vers Dieu, infini et éternel, qui, par une décision humainement inexplicable et dans sa grande bienveillance, nous a fait accéder à la chaire de Pierre.
Les paroles de l’apôtre saint Paul nous viennent spontanément aux lèvres:
«0 profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu: combien ses jugements sont incompréhensibles, et indiscernables ses voies!» (Rm 11, 33).
Notre pensée se tourne donc, avec un salut paternel et affectueux, vers toute l’Eglise du Christ: cette foule, d’abord, qui la représente en quelque sorte et qui est rassemblée ici, dans ce lieu chargé de piété, de religion et d’art, qui conserve religieusement la tombe du Prince des apôtres; nous saluons ensuite l’Eglise qui, grâce aux moyens modernes de communication sociale, nous regarde et nous écoute actuellement.
Nous saluons tous les membres du peuple de Dieu: les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les missionnaires, les séminaristes, les laïcs qui se dévouent à l’apostolat et dans leurs diverses professions, ceux qui s’adonnent à la politique, à la culture, à l’art, à l’économie, les pères et les mères de famille, les ouvriers, les migrants, les adolescents, les enfants, les malades, ceux qui souffrent, les pauvres.
Nous voulons adresser aussi notre salut respectueux et cordial à tous les hommes du monde, que nous considérons et aimons comme nos frères, parce que nous sommes tous fils du même Père céleste, et frères dans le Christ Jésus (cf. Mt 23, 8 sq).
Nous avons voulu commencer notre homélie en latin parce que - vous le savez - c’est la langue officielle de l’Eglise dont elle exprime, d’une manière claire et efficace, l’universalité et l’unité.
Les lectures de la messe
La parole de Dieu que nous venons d’entendre nous a présenté avant tout, comme en un crescendo, l’Eglise, préfigurée et entrevue par le prophète Isaïe (cf. Is 2, 2-5), comme le nouveau temple vers lequel affluent de toutes parts les peuples désireux de connaître la loi de Dieu et de l’observer fidèlement, tandis que les terribles armes de guerre sont transformées en instruments de paix.
Mais ce nouveau temple mystérieux, pôle d’attraction de la nouvelle humanité, comme le rappelle saint Pierre, a une pierre angulaire vivante, choisie, précieuse (cf. 1P 2, 4-9), qui est Jésus-Christ, et celui-ci a fondé son Eglise sur ses apôtres et l’a bâtie sur le bienheureux Pierre, leur chef (cf. Const. dogm. Lumen gentium, n.19).
«Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise» (Mt 16, 18): telles sont les paroles pleines de gravité, de grandeur et de solennité que Jésus, à Césarée de Philippe, adresse à Simon, fils de Jean, après sa profession de foi, qui n’était nullement Ie produit de la logique humaine du pêcheur de Bethsaïde, ou l’expression d’une perspicacité particulière de sa part, ou l’effet d’une motion psychologique, mais le fruit mystérieux et singulier d’une authentique révélation du Père céleste.
Et Jésus change le nom de Simon en celui de Pierre, marquant ainsi la mission spé- ciale qu’il lui confère; il lui promet de bâtir sur lui son Eglise, qui ne sera pas ébranlée par les forces du mal ou de la mort; il lui remet les clefs du royaume de Dieu, le nommant ainsi responsable suprême de son Eglise, et il lui donne le pouvoir d’interpréter authentiquement la loi divine.
Devant ces privilèges, ou pour mieux dire, devant ces tâches surhumaines confiées à Pierre, saint Augustin remarque: «Par nature, Pierre était simplement un homme; par grâce, un chrétien; par une grace plus abondante encore, il était l’un et, en même temps, le premier des apôtres» (In loannis Evang. Tract., 124, 5 PL 35, 1973).
Successeur de Pierre
Rempli d’une stupéfaction et d’une anxiété bien compréhensibles, mais aussi avec une immense confiance dans la grâce puissante de Dieu et dans la prière ardente de l’Eglise, nous avons accepté de devenir le successeur de Pierre sur le siège de Rome, assumant le «joug» que le Christ a voulu poser sur nos épaules fragiles.
Et il nous semble entendre comme adressées â nous-même, les paroles que saint Ephrem faisait dire par le Christ à Pierre: «Simon, mon apôtre, je t’ai constitué fondement de la sainte Eglise. Je t’ai appelé Pierre dès le début parce que tu soutiendras tout l’édifice; tu es le surintendant de ceux qui bâtiront l’Eglise sur la terre...; tu es la source où l’on puise ma doctrine; tu es le chef de mes apôtres...; je t’ai donné les clefs de mon royaume » (Sermones in hebdomadam sanctam, 4, 1: J. Amy T., S. Ephraem Syri hymni et sermones, 1, 412).
Dès notre élection, et les jours qui ont suivi immédiatement, nous avons été profondément touché et encouragé par les manifestations d’affection de nos fils de Rome, et aussi de tous ceux qui, du monde entier, nous font parvenir l’écho de l’allégresse irrésistible qu’ils éprouvent parce que Dieu, encore une fois, a donné à l’Eglise son chef visible.
Les paroles émues que notre grand et saint prédécesseur Léon le Grand adressait aux fidèles de Rome résonnent spontanément en notre âme: « Le bienheureux Pierre ne cesse jamais de présider à son siège, et il est lié au prêtre éternel dans une unité indéfectible... Cela explique toutes les démonstrations d’affection que par bienveillance fraternelle ou par piété filiale vous avez adressées à celui à la place duquel nous sommes heureux moins de présider que de servir» (Sermo V, 4-5: PL 54, 155-156).
Les délégations des autres Eglises, les missions extraordinaires
Oui, notre présidence dans la charité est un service et, en l’affirmant, nous pensons non seulement à nos frères et fils catholiques, mais à tous ceux qui essaient aussi d’être disciples de Jésus-Christ, d’honorer Dieu, de travailler au bien de l’humanité.
En ce sens, nous adressons un salut affectueux et reconnaissant aux délégations des autres Eglises et communautés ecclésiales qui sont ici présentes.
Frères non encore en pleine communion, nous nous tournons ensemble vers le Christ Sauveur, progressant les uns et les autres dans la sainteté où il nous veut, et ensemble dans l’amour mutuel sans lequel il n’y a pas de christianisme, préparant les voies de l’unité dans la foi, dans le respect de sa vérité et du ministère qu’il a confié pour son Eglise, à ses apôtres et à leurs successeurs.
Par ailleurs, nous devons une salutation particulière aux chefs d’Etat et aux membres des missions extraordinaires. Nous sommes très touché de votre présence, soit que vous présidiez vous-mêmes aux hautes destinées de votre pays, soit que vous représentiez vos gouvernements ou des organisations internationales que nous remercions vivement. Nous voyons dans cette participation l’estime et la confiance que vous portez au Saint-Siège et à l’Eglise, humble messagère de l’Evangile à tous les peuples de la terre, pour aider à créer un climat de justice, de fraternité, de solidarité et d’espérance sans lequel le monde ne saurait vivre.
Que tous, ici, grands et petits, soient assurés de notre disponibilité à les servir selon l’Esprit du Seigneur!
Entouré de votre affection et soutenu par votre prière, nous commençons notre service apostolique en invoquant comme l’étoile brillante qui éclairera notre chemin, la Mère de Dieu, Marie, Salus Populi Romani et Mater Ecclesiae, que la liturgie vénère particulièrement en ce mois de septembre.
Que la Vierge, qui a guidé avec une délicate tendresse notre vie d’enfant, de séminariste, de prêtre et d’évêque, continue à éclairer et à diriger nos pas afin que, devenu la voix de Pierre, nous proclamions avec une joyeuse fermeté, les yeux et l’esprit fixés sur son fils Jésus, notre profession de foi: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16, 16). Amen.